LE SHATTA, C’EST QUOI ?
Depuis plusieurs années, le Shatta a pris d’assaut les Antilles, étendant son influence jusqu’en Guyane, à la Réunion et à Maurice. La diffusion massive de ce style dans les départements d’outre-mer est largement favorisée par l’utilisation du créole comme moyen de communication. Depuis peu, ce genre musical se développe même en hexagone et dans le monde.
Avant d’analyser les particularités du Shatta, notamment en le comparant à d’autres variantes de dancehall, un détour étymologique s’impose. À ses débuts, le terme « Shatta » émerge de l’argot jamaïcain, servant plus ou moins de synonyme à « gangsta » et semblant dériver de son homologue plus ancien, « shotta ». Adopté par les Antilles françaises, particulièrement la Martinique, le terme évolue d’abord en adjectif, conservant toujours cette connotation « street ». L’expression « trop shatta », apparue pour la première fois sur Twitter en 2012, est maintenant couramment utilisée pour décrire divers éléments tels qu’une soirée, une atmosphère, une personne ou un son. Une fille « trop shatta » incarne une « badgyal », à la fois sombre et décomplexée, assumant pleinement sa sexualité. Le lexique s’est enrichi de variantes sémantiques telles que « shattater », « shattanité », « se shattatiser », et « shattatisation ».
Revenons à présent à la scène Shatta elle-même. Au sein du vaste paysage des musiques caribéennes, parfois associées au bouyon dominiquais et à ses dérivés tels que le jump up, bouyon soca, gwada bouyon, et bouyon hardcore, le Shatta se distingue par ses productions électroniques audacieuses. Dotées de rythmes plus lents, de lignes de basses profondes et de percussions sèches et minimalistes, les créations Shatta se démarquent. Le titre « La Shattanité » de Q.L.M. symbolise cette transition entre le bouyon et le Shatta, déployant lentement mais intensément une ambiance sombre, squelettique et froide, ondulant tel un serpent dans le bush et illuminée par des voix autotunées et trafiquées.
Le succès du Shatta repose en grande partie sur le talent de ses nombreux beatmakers (Hazou, Lijay, JD, Natoxie, Digital), qui contribuent à définir une esthétique commune en repoussant constamment les limites du son. Des artistes emblématiques tels que X-Man, Vlg Rocki, et DJ Chinwax avec son célèbre « Shatta » présentent des voix graves et robotiques, créant ainsi une atmosphère de dancehall numérique. Sur des titres comme « Bad » de Vlg Rocki, l’absence de schéma rythmique traditionnel est notable, le riddim étant le fruit de quelques notes de synthé.
Il est également à noter la présence significative de femmes dans la scène Shatta, apportant une dimension pop à ce genre. Shannon, une artiste pionnière, a réalisé une hybridation audacieuse entre dancehall et techno avec son titre « Mal à dit » sorti en 2018. La musique, accompagnée d’un clip DIY au charme particulier, éveille l’envie irrésistible de siffler des bouteilles (avec modération bien évidement) en plein jour et de tout abandonner au bureau. Elle agit comme un puissant désinhibant social, évoquant l’effet de l’alcool de canne à sucre lui-même.
Et vous ? Vous vous « shattatisés » ?