YAMÊ PREND LE LARGE !

Yamê s’est imposé comme la révélation masculine sophistiquée et inclassifiable de ces derniers mois. Avant la sortie de son nouvel album « Elowi », l’artiste franco-camerounais comptait déjà des millions de fans, parmi lesquels Stromae et Timbaland. Cependant, sa musique urbaine et mélodique reste difficile à définir.

En quelques mois seulement, la vie de Yamê a subi une transformation significative. De relativement inconnu à Paname dans la vraie vie, il est devenu une véritable sensation sur les réseaux sociaux et les plateformes de streaming, accumulant des millions de vues et de likes à travers le monde.

Sa voix impressionnante en falsetto et son style qui mêle habilement des éléments urbains et mélodiques ont reçu la validation de Timbo, alias Timbaland. Le producteur américain légendaire, connu pour son travail avec Madonna, Beyoncé, Drake, Pharrell Williams, entre autres, a découvert Yamê sur TikTok. Timbaland a rapidement présenté un remix sauvage, avec des caisses claires et des basses, de la version acoustique de « Quête », un morceau dans lequel Yamê narre sa « quête » avec un mélange d’images vives et d’argot que Timbaland ne comprend peut-être pas entièrement (« Bébé, ne me chante pas la mélodie, elle voit l’argent du Katanga/Le charbon a atteint un nouveau niveau, tellement/Que tu ne vois pas que nous venons d’en dessous ! »).

Dans la vidéo du remix qu’il a partagée, Timbaland semble visiblement touché par Emmanuel, alias Yamê, et son swing monumental, décontracté et inclassable. « En langue M’bo au Cameroun, Yamê signifie littéralement ‘le verbe’, mais Yamê est une force invisible, comme une fée sur ton épaule qui te guide dans la bonne direction. C’est un terme que j’ai beaucoup entendu dans ma famille, et que mon père chantait beaucoup au Cameroun. Cela correspond bien à ma musique : difficile à définir ou à saisir, mais porteur d’émotions puissantes », explique le chanteur-compositeur trentenaire.

Né près de Cergy-Pontoise dans la région parisienne, Yamê a déménagé au Cameroun à l’âge de cinq ans, passant son enfance à Douala. En grandissant, il bricolait avec les instruments de son père, M’Backé Ngoup’Emanty, et écoutait des disques familiaux allant de la soul à Papa Wemba, Meiway, et des stars camerounaises comme André Marie Talla, Ben et Grâce Decca, ainsi que des artistes français tels que Sardou, Fernandel et Gainsbourg.

Pendant les nuits marquées par des coupures de courant, Yamê se plongeait dans l’informatique sur les ordinateurs de sa mère, qui travaillait chez Microsoft. Lorsqu’elle décéda brusquement, la famille retourna en France. « Tout s’est passé très rapidement. J’avais dix ans, je ne comprenais rien. Nous étions dans une situation d’urgence. Mon père a dû arrêter de faire de la musique pour joindre les deux bouts. Nous vivions dans un tout petit appartement dans le XVIIe arrondissement de Paris, mais je ne passais pas mon temps à me lamenter. Je vivais au jour le jour, restais positif, me faisais des amis et me plongeais dans le rap français, l’informatique et les jeux vidéo », raconte Yamê.

Aujourd’hui, Yamê se décrit comme un « geek (non péjoratif », insiste-t-il !), non introverti mais casanier. Il aurait pu poursuivre une carrière dans la gestion des données informatiques sans le confinement mondial. Yamê a réalisé qu’il pouvait accomplir son travail habituel en deux heures et consacrer le reste de sa journée à faire de la musique avec ses colocataires, jouer ou apprendre l’anglais. Surtout, il joue du piano et chante, ce qui donne naissance à un autre projet qui ouvre de nouveaux horizons, comme il l’explique dans « Business ».

Pour Yamê, c’est un voyage vers la liberté, thème qui traverse la plupart de ses paroles, y compris le succès « Bécane ». « La ‘Bécane’ est une métaphore de ce qui peut nous emmener ailleurs, que ce soit une moto, une voiture ou un ordinateur, nous permettant ainsi d’échapper à l’enfer. Chacun a son propre enfer. Pour moi, c’était la contrainte du travail informatique. Je chante que je prends tous les risques pour sortir de cet enfer, même si cela signifie finir sur un ‘gros fer’ : un brancard ou une table d’opération. Il faut être prêt à tout pour cette liberté ! » souligne Yamê, qui a d’abord flirté avec les thèmes et métaphores du hip-hop avant de prendre des libertés artistiques et poétiques, se permettant de chanter sur des notes plus aiguës.

Partager avec: